L'Interview


Entretien avec l'artiste commis le sterpis 11 Hychymédon de l'an 105 (Après R. Queneau)

Pour le compte du Front Subversif des Artistes

 

Qu'est-ce qui vous a donné envie de peindre ?


En voila une question! Est-ce que je vous demande ce qui a bien pu vous donner envie de respirer, de manger, de courir, de vivre quoi ?

Quand j'avais deux ans j'ai mis la main sur des crayons de couleurs. Depuis, malgré les prières, les menaces et autres objurgations, j'ai refusé, avec une remarquable obstination, de les lâcher. Je n'ai aucun souvenir de m'être dit, un jour : tiens, je vais me mettre à peindre! Je me suis contenté de dessiner, peindre (ah! les merveilleuses palettes en carton avec des pastilles d'aquarelle collées dessus), modeler à peu près tous les jours. Je n'ai pas le sentiment d'avoir été différent des autres enfants. la question serait plutôt : pourquoi avoir continué à peindre ?

 

Quel était le contexte de votre première création?


Création ? Je n'ai jamais rien créé, personne n'a jamais rien créé. rien ne se crée, rien ne se perd, tout se transforme. je veux bien me considérer comme un transformateur, quoique n'ayant aucune relation de sponsoring avec e.d.f, mais certainement pas comme un créateur. Créer serait produire quelque chose à partir de rien, ce qui n'est évidemment pas mon cas. D'ailleurs ce verbe et ses dérivés, les créatifs, les créations etc. provoque chez moi des réactions allant du léger érythème à l'apparition brutale de pustules urticantes, voire, dans les cas graves, à des accès colériques violents que seule la consommation de margaux 1970 parvient à calmer. Pour en revenir à votre question, un des plus anciens souvenirs que je garde date de 1947, j'avais un peu plus de cinq ans donc, et je me revois posant fièrement sur le buffet de la cuisine une réalisation en pâte à modeler. A la question de mon père me priant de bien vouloir préciser ce que représentait cet objet insolite, je répondis tout uniment: la mort de manolete1 ! Il faut croire que cet évènement considérable avait dû faire l'objet de quelques conversations dans le cadre familial et du quartier où je résidais, peuplé en grande partie par des réfugiés espagnols. Un autre souvenir marquant vers 1956 ou 57: l'achat, par mon père, d'un de mes dessins, je ne sais dans quelle intention il avait agi, mais le fait m'avait semblé curieux et important, quand au dessin lui-même, je n'en ai aucun souvenir.

 2 célèbre "matador de toros"

 

Qu'était-elle?


Voir plus haut.

 

Avez-vous été baigné dans l'art étant petit ?


Je ne vois pas le rapport entre ma taille et un supposé bain artistique !

Si vous faites allusion à ma jeunesse, la réponse est clairement non. Il était plus souvent question de sport ou de politique, voire de littérature que d'art à proprement parler. Je ne vois pas, d'ailleurs, pourquoi je parlerais salement, quoique...

Quelques personnages de la famille ou de mon entourage m'ont tout de même marqué profondément; mon grand-père en premier lieu, qui avait appris à lire et à écrire à l'armée et qui me récitait des pages entières de Victor Hugo et qui m'avait recommandé de voler le savoir si on ne me l'apportait pas à l'école. Un homme qui prétendait que l'on ne pouvait rien faire de valable sans enthousiasme.

Jean Germain ensuite, mon parrain, ami de Robert Kanters2 et kléber Haedens3 et qui s'occupait, entre deux fouilles archéologiques et le commerce plus ou moins légal de vin, de l'édition de revues de poésie!

Jacques Pouydebat ensuite, journaliste et peintre amateur de talent qui exposait irrégulièrement à Bordeaux et qui avait confié à mon père qu'il fallait m'encourager à continuer à peindre, parce que :

«  ton putain de drolle, il a du talent ce con là ! » 4

Je passerai sous silence les années d'école et de lycée où mes notes en arts plastiques ne dépassaient que rarement une honnête moyenne. Il faut dire que de dessiner des bouteilles, des balances de Roberval ou des bustes en plâtre de romains plus ou moins célèbres, ne provoquait chez moi qu'un enthousiasme très modéré.

J'ai retrouvé vers 18 ans le même sentiment lorsque je me suis inscrit à l'atelier de Renée Seilhan dans le but de m'apprendre à maîtriser peinture et dessin. J'ai, à ma grande déception, seulement échangé les bustes en plâtre pour des guitares ou des châles espagnols, voire des poteries ou d'horribles oiseaux de porcelaine! Mais, à cette époque, j'avais déjà découvert Bernard Buffet, De Staël et Soulages! Décidément les cours n'étaient pas faits pour moi.

2 critique littéraire bien connu

 

 

3 ecrivain

 

4 "Ton cher enfant, cet individu remarquable, a bien du talent." (Traduction en langage soutenu du parler populaire bordelais.)

 

Avez-vous un artiste favori ?


Un ? Seriez-vous porté à la plaisanterie ? Ce serait plutôt un par jour et chaque jour différent ! Mes goûts et dérélictions ne se bornent pas à la peinture, mais englobent une partie considérable de l'activité humaine: littérateurs, poètes, plasticiens, bien sûr, mais aussi musiciens (de jazz de préférence mais pas seulement), architectes, charpentiers, tailleurs de pierres ou dinandiers, quelques rares chanteurs et humoristes ainsi que certains sportifs dont la pratique, par certains côtés, confine à l'art. Quant à la question des favoris ( à la côte de 2 contre 1 en général ), je laisse cela aux turfistes, amateurs du tiercé et autres affidés des officines de bookmakers!

 

Avez-vous eu un mentor ?


J'ai connu des butors, des stentors, les ensembles de cantor, des rotors et des stators, mais de mentors, point.

 

Quels sont les artistes qui vous ont influencé dans votre démarche ?


J'ai, entre autres, deux défauts majeurs: ma paresse congénitale et ma médiocrité technique de dessinateur... M'ont donc influencé les peintres qui, pour moi, semblaient le plus facile à imiter avec une technique sommaire. du moins je le croyais!

Je pourrai citer en vrac et rapidement, en suivant un ordre à peu près chronologique: des dessinateurs humoristiques de la presse, Marquet, Rouault, Buffet, Soutine, Mondrian, Herbin, De Staël, Miro, Klee, Soulages, Hartung, Pollock, Sam Francis, Kline, Motherwell, Mathieu, Zao Wou Ki etc...

Je ne voudrai pas cependant passer sous silence des musiciens de jazz (Miles Davis, John Coltrane, Charles Mingus, Stan Getz, etc...). ma question demeure toujours celle-ci : comment représenter en peinture cette musique, les émotions qu'elle suscite et le monde qu'elle décrit ? Vaste programme, n'est-il pas ?

 

Que signifie être artiste pour vous ?


Après avoir relu avec la plus grande attention Démocrite, Zénon d'Elée, Anaxagore, Pline le jeune, Tiburce, les textes apocryphes de la kabbale et l'œuvre de Saint Jean de la croix, je n'ai pas trouvé de réponse. Bède le vénérable et le père Sirmond dans ses notes sur les capitulaires de Charles le chauve ne m'ont pas été d'un plus grand secours, non plus qu'Ibn Khaldoun, Al-Djabbar ou Abou Nouas.

Je ne tiens toujours pas de réponse cohérente à cette question. Tout au plus s'agit-il d'un vocable commode dont les autres vous affublent pour désigner tout à la fois une personne, son statut social, son comportement, etc... , et la justification ou l'excuse de cette même façon d'être ou de concevoir le monde. Cela me semble un vaste débat que je ne saurai avoir l'outrecuidance de vouloir régler dans le cadre de cet entretien.

Malgré tous mes efforts et les papiers de l'administration fiscale qui s'obstine à me traiter de la sorte, je n'arrive pas à me reconnaître dans cette appellation (dont l'origine n'est même pas contrôlée!)

 

Qu'est-ce qui est le plus important dans le processus de création ?


Je ne veux pas revenir sur ce que j'ai dit plus haut à propos de la "création", je parlerais plutôt de fabrication. Dans le type de peinture dans lequel je sévis actuellement, le plus important me semble toujours être de décider du moment où il faut s'arrêter. Je repense souvent à la question que posait John Coltrane, qui avait toujours des difficultés à clore un morceau, à Miles Davis: comment faire pour s'arrêter? Réponse de Miles: retire le bec de ton saxo de la bouche! la difficulté à laquelle je suis en butte (et je ne suis pas le seul!), c'est qu'il n'y a pas la moindre raison objective de cesser de répandre de la matière sur la toile. ne sachant pas, au départ, ce que je vais faire exactement, aucun indice ne peut justifier la fin du processus.

Parmi les choses importantes, je citerai encore deux grands principes (s'ils ne vous conviennent pas, rassurez-vous, j'en ai d'autres): ne pas penser (ça, c'est ce que je réussis le mieux) et laisser parler le geste.

 

Quelles sont les étapes de votre réflexion ?


Vous n'avez pas de chance avec vos questions! Je viens de vous expliquer que précisément je me gardais comme de la peste de la moindre réflexion comme obstacle principal à la spontanéité. Si réflexion il y a, cela ne peut être qu'à posteriori ou bien après absorption, au-delà du raisonnable, de quantités d'eau de vie du bas armagnac ou du tenarèze. a ce moment là se posent des questions sur la pertinence de l'objet par rapport à ce que je veux exprimer ou faire ressentir, quelles sont les possibilités d'évolution (essayer de ne pas répéter la même chose), peut-on décliner la même chose dans d'autres tonalités, avec d'autres rythmes, dois-je modifier techniques ou matières pour obtenir d'autres effets ou significations etc. et toute cette sorte de choses.

 

Si vous deviez vous définir en quelques mots, que diriez-vous ?


Définir, c'est d'abord délimiter, enfermer.... Et je ne tiens pas à être enfermé ! C'est le genre de question qu'il faudrait poser à mon psychiatre ! Si j'en avais un.

D'une manière générale, c'est plutôt l'autre qui vous définit, plus que vous-même. C'est un exercice absurde parce que, comme le disait Paul Valéry : " Le simple est faux et le complexe est inutilisable ".

 

Si vous deviez vous réincarner en un autre artiste, qui serait-ce ?


Si je devais me réincarner..... Voila qui contrarierait fort mes convictions profondes ! Woody Allen à qui on posait la question avait répondu qu'il souhaitait se voir réincarné en éponge, animal paisible et sans véritable prédateur. la réponse me plait beaucoup. Ici cependant il s'agit d'artiste et Oscar Niemeyer me plairait bien, ne serait-ce que pour aller au bout de mes velléités de jeunesse d'être architecte. Mais malgré mes innombrables défauts, travers et autres tares innées ou acquises de haute lutte, je ne souhaite pas vraiment être un autre.

 

Si vous deviez pratiquer une autre activité, laquelle serait-ce ?

 

J'ai déjà donné! De plus, je n'arrive pas à choisir une seule activité de peur de me priver de beaucoup d'autres! Féru de sport en général, et non d'un seul, pratiqué avec des-fortunes diverses, j'ai exercé la fonction de prof d'e.p.s, tout en étant entraîneur de tennis et médiocre saxophoniste amateur, tout en continuant à peindre pour s'en tenir au principal.

Il me reste à expérimenter les joies de la pêche à la ligne ou de l'équarrissage qui doivent avoir certainement des charmes cachés.

 

Si vous étiez une œuvre d'art connue ?

 

Certaines, à une époque hélas lointaine, auraient cité le Taj Mahal, mais je les soupçonne d'un manque flagrant d'objectivité. Quant à moi, je choisirais plutôt Guernica, les explications de ce choix seront fournies à la demande.

 

Si vous étiez un lieu source d'inspiration ?


Le Sahara ou le désert d'Atacama

 

Si vous étiez une époque ?

 

Le magdalénien me plait bien, quoique le crétacé supérieur me tente également

 

Si vous étiez un rêve, ou un cauchemar peut-être ... ?

 

Certainement un cauchemar, du moins pour les autres qui ont à supporter un olibrius de la sorte !

 

Si vous étiez une anecdote, une devinette ?

 

Celle que posait le sphinx aux voyageurs. au moins il pouvait les dévorer s'ils ne répondaient pas correctement !

 

Si vous étiez une ville ?


Brasilia .... ou Tombouctou

 

Si vous étiez un film, une musique ?


Un chien andalou de Luis Buñuel. pithécanthropus erectus de Charles Mingus. le côté "erectus" me plait bien.

 

Si vous étiez une gourmandise ?


Une tartine de pain grillée et frottée d'ail recouverte de graisserons de canard gras, avec un verre de madiran en prime !

 

Quelle est votre devise ?

 

La désobéissance aveugle et de tous les instants, fait la force principale de l'homme libre. signé Alfred Jarry.

 

Etonnant, non ?

 

 

 

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